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Poème sans fin d'Allan Kartner
21 février 2020

Poème sans fin de 251 à 500 vers

Source: Flickr

J'aime ces vallées, sans âme qui vive.

Ces belles vallées que berce l'eau vive

Les ruisseaux à l'ombre des sapins

Qui se roulent dans le petit matin

J'aime sentir le parfum, l'élégance

Des fleurs qui s'ouvrent et qui dansent

Aux aurores les corolles à peine ouvertes

Sous l'astre des cieux d'une nuit inerte

J'aime la chevelure des feuillages penchés

Sur ces lieux de jouvence, mon coeur épanché

Ces endroits lancinants habillés de lumière

Le bruit d'un ruisseau, l'odeur de la terre

J'aime regarder la montagne encore vierge

Et imaginer en son sein les oiseaux qu'elle héberge

J'aime à vagabonder à la tiédeur matinale

Parmi les herbes folles et les fougères qui s'étalent

Respirer la pureté de l'air inlassablement

Marcher sans but pour me sentir vivant

J'aime ces moments de songes infinis

Oubliant, un peu, ma détresse, mon ennui.

Me reviennent pourtant, au fil de ces promenades

En image la décrespitude mortuaire des façades

Posées le long des avenues aux pavés glissants

Dans ces villes glauques au souffle gémissant

Là où les arbres se nourrissent de goudron

Dans des grillages d'acier comme en prison

Dans ces villes angoissées, aux poumons brûlés

Par cette pollution nauséeuse sournoise et trop avalées

Tant je reconnais le simple comme essentiel

Je ne comprends pas que l'on puisse gratter le ciel

Que l'on se permettre d'outrager la nature

Aux immeubles crasseux je préfère ma masure.

Je me perds peut-être dans mes utopies

A vouloir ce monde de lumière ébloui

Mais quoi de mieux pour vivre vraiment

Que d'admirer un paysage renaître au printemps

Que de suivre des yeux les hirondelles en voltige

Et de frôler une fleur au bout de sa tige

Alors que, là-bas, sur l'asphalte fétide

Ne vont que des rats rampants et putrides

Que des chats aux allures de petits diables

Des hommes, des femmes mal aimables

Je sais ce que vous pensez, quand je dis cela

Que je ne suis rien d'autre qu'un scélérat

Que je fais parti de ces mécréants obtus

Qui ne cuisent pas la viande et la mangent crue

Et bien, pour vous conforter, vous avez raison

Je n'aime me délecter que de vrais champignons

Et non de ceux qui grandissent dans les villes

En Poussant les nuages pour les rendre dociles

300
Ne voyez-vous pas, au coin de votre rue

La contenu des poubelles sur le sol épandue

Comme des vomissures d'un monde perdu

Dans les noirceurs, les ténèbres, le corps fendu

Il serait pourtant honnête de ma part d'admettre

Qu'il est dans Paris des images moins piètres

Que des quartiers harmonieux existent

Des villages de rêves où sont des artistes

Je prends, Montmartre, pour exemple évident

La beau sacré-coeur et ses petits dômes blancs

En haut de ces marches que les herbes côtoient

Qui nous donne le sentiment, d'avoir la foi

Souvent je suis monté par le funiculaire

Pour voir de là-haut la ville entière

Pour regarder les voyageurs asiatiques

Bardés d'appareils photographiques

Les entendre parler, en riant, le mandarin

Cette langue semblable au vent des embruns

Souvent j'ai marché dans ces rues exotiques

Remontant les pavés dans des rêves antiques

Non ceux de la Grèce ou de l'Égypte ancienne

De Rome ou de cette Babylone mésopotamienne

Juste à entrevoir sous la lueur des lampions

Dans une calèche le grand Champollion.

Où plus loin au bateau-lavoir, un Picasso

Et ses demoiselles d'Avignon sous le pinceau

J'ai toujours eu l'impression sur la petite place

Que tout s'arrêtait le temps que je passe

Que les Toulouse-Lautrec, Corot et autre Vernet

Rebouchaient leurs tubes quand j'y venais

Que leurs mains de génie lècheuses
de toiles

Montaient vers le ciel pour toucher les étoiles

J'ai dans le sang, l'humeur vagabonde

Et vois la terre plus plate que ronde

Voyez ce que l'imagination à d'étrangetés

Elle confond parfois rêve et réalité

Mêlant l'hier, l'aujourd'hui et le demain

En un seul, unique, impensable dessin

Elle envahit les cerveaux déraisonnables

Faisant jaillir des roses sur les branches d'érable

Elle fouille dans la caverne des songes

Et l'éphémère, par plaisir, elle l'allonge

Il n'y a pas d'ombre sans lumière dit-on

Pas de butte Montmartre sans accordéon

Où serait-ce le son suave d'un violon

Car le chat noir, ne peut-être qu'une chanson

Je me souviens de ce jour où j'ai croisé

Près du moulin rouge cette fille élancée

Aux yeux que les vagues claires jalouses

Aussi fraîche que la rosée des
pelouses

Ces bottines telle une horloge sonnaient

A chaque pas léger gracieux qu'elle faisait

J'étais redevenu enfant devant des friandises

Mais amant déchu quand s'éloigna la gourmandise

J'ai tenté de la suivre discrètement, distant

Et elle disparue au coin du chemin Guersant

En laissant dans l'air un instant les fragrances

D'un patchouli entêtant qui enivrait tous mes sens

J'avais espéré une seconde seulement

Qu'elle se retourne sur moi simplement

Que je puisse entrevoir son visage

Juste pour me souvenir de son image

Pardonnez les égarements de mon âme rêveuse

De là où je suis assis sur ma chauffeuse

Malgré une cheminée que les cendres rougeoient

Emmitouflé dans mon plaid j'ai froid

Jusque là toutes mes lignes me semblent bien fades

Pas l'ombre véritable d'une belle escapade

Pas un souffle, une étincelle de poésie

Que des propos sans emphase qui m'ennuient

Je me demande s'il est utile de continuer

Tant mes écrits paraissent désuets

Mais il faut que j'insiste pour sûr

A présent que je suis face à ce mur

Le jour viendra j'en suis convaincu

Où tout ce que vous dit sera reconnu

Alors que je ne serai plus sur cette basse terre

Car tout poète ne devient grand qu'au cimetière

L'important, malgré tout, n'est-il pas ?

La délicatesse, le parfum du réséda

Qu'un ruisseau traverse une vallée d'ivresse

Au flan de cette montagne qu'il caresse

Je perçois le frétillement de mes souvenirs perdus

Venir frapper de son glaive pointu

Ce doute malicieux qui me morfond

Sous les toiles d'araignées du plafond

Je sens tout le salon et son parquet qui bougent

Le jaune pâle des flammes devient rouge

Les bougies crachent leur souffle noir

Une porte claque au bout du couloir

La nuit va-t-elle me retenir dans ses bras?

Sournoise qu'elle est, nourisseuse de rats

Vais-je tomber dans les tourments et la torture ?

Sur les murs traînent, déjà, les traces de moisissures

J'ai beau me révolter, une araignée passe

Le jour s'éloigne d'un coup franc, s'efface

Je regrette soudain de pas être ailleurs

Que dans cette obscurité qui frappe mon coeur

Ce silence lourd me terrifie, m'alarme

Sur ma joue coulent, une à une, les larmes
400

Et me voilà enclin à l'érosion de mes sens

Mon corps dans les flétrissures est en transe

Je n'aime guère faire aller le tisonnier dans les cendres

La peur intestine que le diable vienne le prendre

L'hivers et ses arbres gelés entrent par la porte

La fenêtre est ouverte et l'angoisse m'emporte

Je me raccroche comme je peux aux jours passés

Tant je crains que demain ils soient effacés

Que la brume matinale les cache à mes yeux

Je crains que demain je devienne trop vieux

Pour espérer encore voir les plumes soyeuses

Voler aux vents de cette nature si précieuse

J'aimerais, si vous me le permettez, prendre le temps

De vous racontez ma vie, ma jeunesse d'avant

Quand le soleil à l'aube se rallumait

Quand l'herbe et la mousse s'aimaient

Car jadis les clairières regorgeaient de bonté

De joie, de sagesse, de douceur, de volupté

J'aimerais, mais serait-ce trop demander

A vous, qui, de la pénombre descendez

Vous savoir écouter la voix magistrale

Monter à l'horizon son opéra matinales

Pour tout dire de cette époque révolue

Où sur les sentiers allaient chevaux et charrues

Que les cantonniers saluaient d'un geste furtif

Dans cette campagne radieuse d'où je suis natif

Je vous montrerai pousser en abondance

Le blé encore sauvage dans des champs immenses

Je vous parlerai à l'oreille de cette campagne

Qui, jours et nuits durant, vous accompagne

De ma jeunesse qui fit en ces temps ce que je suis

De tout ce que j'aime et ce que je fuis

La demeure avait, la couleur et les charmes d'antan,

On y venait à pied, au bout d'un long chemin

Parsemé, çà et là, de quelques rosiers grimpants

Sur deux murs en pierre qui menaient au jardin.

Après avoir passé le grand portail de chêne,

On apercevait, derrière les arbres, la terrasse,

Sur la gauche un petit puits, un saut à la chaîne,

À droite, un potager, des salades et des limaces,

Quand on s'avançait, plus encore, on pouvait voir,

Une bicyclette posée sur le dos d'un banc,

Une vieille charrue non loin du lavoir,

Alors que tout semblait figé, tout était vivant.

Cette demeure, qu'habitèrent mes aïeuls

Pendant nombre d'années, jusqu'à mes parents

Avait rendu un petit monde, infiniment heureux,

Des hommes, des femmes, et leurs enfants.

Plus d'une fois, je suis venu me promener,

Moi, qui suis parti pour la grande ville
450
Et combien de fois ? En ces lieux, j'ai retrouvé,

Mon âme enfantine, ma belle âme tranquille.

Je me suis promené, parmi les herbes folles

Fît le tour du bassin où les nénuphars,

Voguaient doucement comme des êtres frivoles,

Sur les eaux langoureuses au-dessus des têtards.

J'ai, souvent, rêvé de gloire et de fortune,

Mais mes parents n'étaient que paysans,

Et s'ils avaient su me décrocher la lune,

Je ne les aurais pas moins aimés pour autant.

Ils n'allaient guère à la messe, je l'ai vu,

Pour sûr ils se rendaient à confesse,

Une fois par an, pas beaucoup plus,

Juste pour Noël comme à la kermesse.

Ne pensez pas qu'ils ne croyaient pas en Dieu

Pour preuve, ils suivaient tous les enterrements,

Ils suivaient, avec les voisins, les larmes aux yeux

On aurait dit des pèlerins ou des pénitents.

Mais ce dont ils s'occupaient avec délice,

Quand ils avaient du temps, un peu, le soir,

C'était, quand le ciel était propice

Alors que sur le banc j'allais m'asseoir,

Le petit jardin aux mille et une saisons,

Le printemps, le printemps et encore le printemps,

Car tous les hivers, on les passait au tison,

Et au jardin, c'était au joyeux printemps

Il y avait là, des pies pour manger les fraises,

De grandes fleurs, que l'on m'a dit être des lys

Un tas de bûches en attente de braise,

Et des pommiers, il y en avait plus de dix.

À la naissance de Bénédicte, ma sœur

À mi-chemin entre la maison et le portail,

On avait planté tout à son honneur,

Une multitude de pieds de roses en éventail.

Cela paraissait bizarre à ceux qui venaient là,

Drôle de manière que de les mettre ainsi,

On avait beau dire. C'était comme ça.

On avait beau faire. C'était comme si.

Nul ne pouvait discuter l'œuvre de mon père,

Il avait sa raison pour la chose faite,

En parler faisait monter sa colère,

Valait mieux le laisser à sa brouette.

Le jardin avait ses deux mille mètres,

Cerclé d'une immense haie de ronces pointues

Derrière trônait une forêt de chênes et de hêtres,

Tout cela, peut-être, pour ne pas être vu.

Alors, qu'aujourd'hui, il est bon de se montrer,

En ce temps-là, il en était tout autrement,

Le soir on fermait portes et volets,

On ne sortait pas, on restait dedans.

500...A SUIVRE

 

AK TDR

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Commentaires
Poème sans fin d'Allan Kartner
  • Chers lectrices et lecteurs. Après 40 ans d'écriture, poésie, nouvelles... J'ai constaté que tous mes poèmes , au bout du compte, ne faisaient qu'un. Donc, je n'écrirais, ici, qu'un seul et unique poème et SANS FIN. Il se terminera à ma fin. Bonne lect
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