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Poème sans fin d'Allan Kartner

27 février 2020

Poème sans fin de 1001 à 1250 vers

          

Source: Flickr


Au bout de la table, une clochette à la main

Le père Claude gardait les yeux fermés,

Derrière ses paupières regardant le divin,

Le 25 décembre, ma première journée.

En ce jour de Jésus, en ce jour de naissance

En ce jour de Noël accoudé les mains jointes,

Je regardais dans l'âtre le chaudron qui balance,

Et Claude retournant les braises d'une pointe,

À l'égal du glaive d'un vaillant chevalier,

Pestant contre le feu, frappant le diable,

Crevant le ventre des bûches au brasier,

Alors que l'on attendait autour de la table,

On attendait, le doux moment propice,

Le bruit de la clochette ouvrant le festin,

L'un près de l'autre le ventre au supplice,

Montaient les lueurs de mon premier matin.

Dieu, que l'aube était tendre et caressante

J'avais comme l'impression de vous entendre,

D'ailleurs, vous entendais-je peut-être,

Ou était-ce le chant léger de la cendre,

Parfois, votre voix, encore, me pénètre.

Allons ! Que je vous dise, ce qu'il en fût.

En ce lieu où le silence était partout,

Où les murs transpiraient leur peau nue,

Où le vent frais venait souffler les joues.

Je me souviens de Claude levant sa main,

Brandissant le tisonnier vers le ciel,

Comme pour implorer je le crois bien,

Tous les anges et tous les saints éternels.

Il y avait là, un arrière-goût de croisades,

Suscitant l'envie d'aller guerroyer,

D'aller batailler, d'aller en nomades,

Par tous les déserts, d'aller foudroyer,

Ces êtres nauséeux, à l'esprit satanique

Qui peuplent le monde de laideur,

Les rendre fous de nos ailes magiques,

Et semer à tous les vents le bonheur.

Non, que nous ayons l'esprit sanguinaire,

Étant plus enclin à la méditation,

Mais qu'il était joyeux et salutaire,

D'espérer, un monde de raison.

Car, sur cette basse terre tant misérable,

Où ne vont que les souffles démoniaques,

Où les nuages même, à eux, sont semblables,

Où les parfums ont une odeur d'ammoniaque,

Rien, mises à part, nos prières incessantes,

Notre foi en vous. Vous, à la bonté infinie,

Ne peut sur les chemins toujours en pente,

Faire vibrer sous vos cieux les petites vies.

Malgré la cheminée grande ouverte,

Le froid, peu à peu, me gelait le corps,

Autour de moi des visages inertes,

Et des murs pris de vide en décor.

Je me souviendrai fort longtemps,

De ces faces aux bouches closes,

Moi qui n'étais alors qu'un enfant,

Eux, qui étaient toute autre chose.

C'était, presque comme un rêve

Un rêve éveillé après ma nuit blanche,

Après le tumulte une sorte de trêve,

Sur lui qui prenait sa revanche.

« Donnez-nous, notre pain quotidien »

Entonna Claude d'une voix de ténor,

« Chassez le mal, faites le bien »

« Faites que l'amour soit le plus fort »

« Pardonnez nos offenses »,

« Pardonnez au monde ses misères »

« Pardonnez mon ignorance »

« Dites-moi, que puis-je faire ? »

Et la clochette me sortant de ma torpeur,

Brillant sous le feu, tinta dans la salle,

Claude ouvrit ses mains de prieur,

Déjà les murmures dans l'aube hivernale.

« Quel est ton nom ? » à mon oreille,

« D'où viens-tu ? » Face à moi,

« Quel âge as-tu ? » à l'autre oreille,

« Sais-tu vraiment, ce qu'est la foi ? »

Qu'est-ce que la foi ? Un mystère !

Un partage ! Mais partager quoi ?

Une vie paisible ou d'horribles guerres.

Monter ensemble au chemin de croix ?

Croire en vous, qui êtes partout

Est-ce cela ? Seigneur, Mon Dieu.

Peut-être, aussi, est-ce être fou,

Peut-être, aussi, être amoureux.

Que pouvais-je répondre ? De fait,

A Claude, à ceux qui furent mes frères

Je n'avais su que baisser la tête,

Alors que la foi, n'est que lumière.

Et l'ange noir passa, son haleine fétide

Je fus, sans doute, seul à le voir,

Là, sur la table, dans mon bol vide,

Là, comme un vague désespoir.

Je revoyais, la campagne étendue

Mon enfance joyeuse de tout,

Mes courses, dans les champs, éperdues,

Et l'ange, toujours, me poussait dans le trou.

Je revoyais Bénédicte cueillir des fleurs,

Faire des bouquets de coquelicots,

De jonquilles chargées de senteurs,

Je la revoyais sous l'arbre aux oiseaux.

Et l'ange passait, entre les chaises

Montait au plafond en souriant,

Allait se rouler dans les braises,

Et frôlait mon épaule par moments.

Il est bien douloureux, de tout changer

De quitter sa famille, enterrer le passé,

Quitter le bonheur, de tout déranger,

Et combien difficile de tout effacer.

C'était sans doute cela, l'ange noir

Le messager de ce temps révolu,

Cette image perdue derrière le miroir,

L'image d'un paysage fendu.

Alors que chacun repliait sa serviette,

Que mes frères se levaient un à un,

Que sur la table ne restaient que des miettes,

Ce jour-là, je n'avais pas de faim...
1115

Elle courait, sa robe légère dans le vent

Telle une sylphide autour de la fontaine,

Le soleil donnait de ses yeux rayonnants,

C'était jour de fête, de fête foraine.

Il y avait là les grands échassiers,

Venus des Landes que je ne connais pas,

Où, paraît-il, ne sont que de longs sentiers,

Et où tous les arbres se tiennent droits.

Elle courait en tous sens sur les pavés,

Mais la tristesse se lisait dans son regard,

Je ne savais dans l'instant d'où elle était,

Je l'avais remarquée juste par hasard.

Je la regardais, elle ne me voyait pas

Comme prise par des joies éphémères,

Je la regardais et au fond de moi,

Je sentais venir sa grande misère.

Bien sûr que sur cette place de Louvine,

Alors que riaient des familles entières,

Que les amours allaient clandestines,

Il n'y avait que de belles lumières.

Bien sûr que les ouvriers et les paysans,

Se mêlaient à l'honorable bourgeoisie,

Pour sûr c'était un arrêt dans le temps,

Où chacun faisait aller sa fantaisie.

Mais je ne voyais qu'elle, en pauvreté

Était-ce ma foi qui l'espérait ainsi ?

Pour avoir trop bu à la source des pitiés,

Étais-je fou au nom de Jésus Christ ?

Je la regardais valser sur le pavé,

Virevolter, chanter comme un oiseau,

Parfois je sentais mon cœur à s'envoler,

À s'envoler vers elle plus qu'il ne faut.

J'en aurais presque oublié le serment,

Celui que j'avais fait deux ans plus tôt,

Pour le nom de Dieu, éternellement

Pour celui qui fit la terre et les cieux,

Qui fit l'homme que je suis, ici-bas

La rivière, le ruisseau langoureux,

La prairie, la clairière et le bois.

Il me l'avait bien dit le père Claude,

« Toujours se méfier d'une belle qui passe

Toujours aussi d'un parfum qui rôde, »

Mais, elle, je l'admirais dans l'espace.

Que Dieu pardonne un tant soit peu,

Mes égarements ce jour de fête,
1160
Où tout me semblait si délicieux,

Que j'en perdais par trop la tête.

Et elle courait, courait encore',

Juste pour mes yeux contemplatifs,

Je voyais ses cheveux en fils d'or

Une chaîne, une croix en pendentif.

Elle riait de sa belle voix claire,

Souriait à ceux qui passaient là,

Mais je la voyais prisonnière,

Malgré au 7e jour, le shabbat.

Que Dieu en qui je crois et prie,

Pardonne aussi la déraison,

Ce moment où il me prit,

De regarder son blanc jupon.
1174
Je ne savais plus sur ma terrasse,

Ce qu'il était des communions,

Comme un ciboire buvant ma tasse,

Et cette hostie en un quignon.

Les échassiers de leur hauteur,

Surveillaient la gent enfantine,

La marmaille, le ballon voleur,

Les cerceaux et les gamines.

Sur quelques bancs pour l'occasion,

Les vieux parlaient, voire chuchotaient,

Murmurant des « dira-t-on »,

Des commérages, ils blablataient.

« Tu as vu la Julienne et son chapeau,

Trop de couleur et trop de fleurs ».

« On dit son homme être un soûlot,

Et qu'à rentrer il n'a pas d'heure' ».

Puis il y avait cet autre criard,

Ses baudruches, ses sucres d'orge,

Haranguant le passant goguenard,

En raclant le fond de sa gorge.

Et partout le soleil contemplatif,

Dans la folie d'une kermesse,

Pas un nuage au ciel passif,

Le peuple heureux, le peuple en liesse.

Et moi, j'admirais de la tonnelle,

Je regardais tourner les palombes,

Voler, là-haut des hirondelles

Et sur le toit les deux colombes.

Je regardais de la terrasse,

Du petit ''Hôtel des Voyageurs'',

Marcher les ombres sur des échasses,

Et les jeunes gens chanter en chœur.

Et sans cesse j'admirais la belle,

Sur le pavé luisant du bonheur,

Son corps fragile sous la dentelle,

Valser comme au vent les fleurs.

Mon Dieu pardonnez-moi encore',

Moi le simple curé du village,

Mais son parfum doux était si fort,

Que mon esprit s'en allait volage.

Plus elle tournait et plus je chavirais

Dans ses sortes de méandres,

Plus elle tournait et plus j'espérais,

Que le diable ne puisse me prendre.

Ô, mon Dieu que d'indécence,

Alors qu'il n'est que pour vous,

Mon cœur dans les luminescences,

Vous qui êtes par-dessus tout,

Ma seule et grande lumière,

Dans ce monde qui me rend fou,

Qui devez être, dans mes prières,

L'unique être que je loue.

Mais, que faire quand parle le corps,

Que faire, de cette souffrance

Je suis un homme, est-ce un tort ?

Je suis un homme, quoi que l'on pense.

C'est alors, que le soir naissant,

Je repris par les ruelles étroites,

Le chemin me ramenant,

Au presbytère et au lit moite.

Je laissais donc, avec regret

Comme un souvenir qui se consume,

Toutes ces âmes qui volaient,

Dans le silence de la brume.

Je laissais là, une fontaine,

Des guirlandes, des ballons morts

Les yeux brûlant de peine,

J'abandonnais le doux décor.

Mon Dieu, mais qu'ai-je fait,

Ce jour-là sur la terrasse,

Que je crus que s'effaçaient,

Mes pensées, pour vous, hélas.

Dans le lointain, un dernier son,

Un sifflement, un oiseau-lyre,

Chantait la douceur de son prénom,


Elvire.
1250

 

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23 février 2020

Poème sans fin de 751 à 1000 vers

Source: Flickr

Pas un champ, pas un arbre, pas de poules

Pas de colombes, que l'ennui qui roucoule.

C'est cela qu'il n'aimait pas le Ferchaux,

C'est cela qu'il pensait sous le chapeau.

Car il était bien de la terre l'Antonin,

De cette terre grasse aux odeurs de purin,

Où vont les vaches, ruminantes des près,

Une brebis ou deux à demi égarées,

Les papillons qui volent sur le blé mûr,

Les moments d'extase, dans un air pur.

L'Antonin et ses lourds sabots de bois,

Emplis de paille par les temps froids,

Mon père assis sur le tracteur de fer,

Mon père dans les champs le regard fier,

Je vous ai dit, je l'admirais et l'admire encore',

Lui le paysan qui semait aux sillons de l'or.

Ne pensez pas que je fus heureux de partir,

Mais l'homme se doit de se construire,

Certes, je quittais comme un arbre mes racines,

Ce petit coin d'amour pour la vie que l'on devine,

J'allais sans me soucier du moindre retour,

J'allais vers l'Est, vers la naissance du jour.

Alors que se levait le vent sur la colline,

Disparaissaient lentement les brumes sur Louvine,

Du haut du chemin sur la terre encore humide,

J'apercevais, peu à peu, sous la nappe liquide,

Ici un toit, une maison, là l'église, le clocher,

Un arbre tordu, et son grand corps écorché,

Je voyais le champ et le ruisseau qui roule,

Le petit pont de pierre et l'eau qui s'écoule.

Descendant le sentier, dans la fraîcheur matinale

Je m'imaginais déjà une voûte, une cathédrale,

Un dôme transparent, un cœur de basilique,

J'entendais la voix, la belle voix magnifique

J'entendais, aussi, sous les autels figés,

Dans le silence trompeur, les âmes pleurer,

Les vautours tournoyer frappant de leurs ailes,

Les nuages dociles dans les cieux éternels,

Je sentais le combat du bien et du mal,

Comme l'haleine putride d'un vieux chacal,

Menant mes certitudes à la limite du doute,

L'homme de foi craignant que le diable l'envoûte.

Mes pensées vagabondes, j'entrais dans la ville,

Par une ruelle étroite, le cœur un peu fébrile

Les pavés n'y étaient plus, au sol du goudron

Et des branches de gui aux portes des maisons.

Venait dans le petit jour une odeur de pain,

De croissants, de chocolatines, de craquelins,

Un bruit de roues, un volet au vent claquant,

Un rayon de soleil sur un mur se déposant.

Quand le matin vous apporte ses langueurs,

Vous sentez la vie enivrée de lueurs,

Marcher avec vos pas au silence effacé,

Trouble des sens dans cette ruelle glacée.

J'avançais donc, mi-heureux, mi-peiné

Heureux de gagner un peu de liberté,

Peiné, et qui l'eut été moins que moi,

De laisser en arrière une adolescence de joie.
808

Certes, je ne montais pas la tête couronnée,

On ne m'arrêterait pas au mont des Oliviers,

Je ne me couvrais pas d'un linceul blanc,

J'allais sur la place tout doucement.

Je voulais encore profiter de ces heures

Me séparant du monde des prieurs,

Je voulais encore écouter la fontaine,

Me souvenir du ruisseau dans la plaine,

L'amour d'autrui m'avait mené jusqu'ici,

L'amour des hommes, l'amour des vies.

Qu'est-il de plus important à nos yeux,

Mortels que nous sommes, mon Dieu

Que de voir se répandre chaque jour,

Sur cette terre si dure les couleurs de l'amour ?

C'est pour cela, que les êtres de sang

Chassant de leur tréfonds le ressentiment,

Cette injure faite des douleurs du monde,

Voient le bonheur comme une onde.

Je poussais le portillon qui donnait sur le parc,

Hésitant, un instant, juste pour prendre mes marques,

Puis levai le nez vers le grand séminaire,

Et son toit de tuiles plates où glissait la lumière,

Peu à peu un pied après l'autre je m'approchai,

Les lanières de mon sac à dos m'écorchaient,

Tirant mes épaules fragiles vers l'arrière,

Je me sentais léger comme un tas de pierres.

L'ombre d'une seconde, j'allais faire demi-tour,

La seconde d'après, je m'avançais sans retour.

Sur la gauche une chapelle accrochée à la bâtisse,

À mi-hauteur une croix de fer au frontispice.

Devant à moi la porte à double battant de l'entrée,

De chaque côté deux anges empierrés.

Devant moi le silence, derrière un bruit de pas

« Donatien ! Je présume » susurra une voix,

« Je suis le père Claude. Fils, as-tu fait bon voyage ? »

Et montrant mon sac « Est-ce là tout ton bagage ? »

Je ne savais que répondre, seul un « Oui M'sieur »,

« Alors, entrons, mon fils, si Dieu le veut »

Si Dieu le veut ? Et s'il n'était point-là.

Si Dieu le veut ? Et s'il ne voulait pas.

Et si tout cela était absurde, si je me trompais,

S'il y avait erreur sur la personne que j'étais.

Le doute coulait avec ma sueur au front,

J'avais froid, j'avais chaud, car au fond,

Je ne savais pas vraiment ce que je faisais là,

Et pourquoi tout ceci et pourquoi tout cela.

Bien sûr je voulais m'occuper des misérables,

Je voulais aussi faire un monde honorable,

Mais j'avais la peur de ne pas pouvoir,

Cette indicible peur de ne pas savoir.

« Donatien ! Qu'attends-tu pour me suivre ?

Aller vers Dieu n'est pas se laisser vivre ».

« Oui Monsieur », « Père Claude ! Pas m'sieur »

me reprocha-t-il du fond de ses yeux.

Il passa le premier dans sa robe de bure,

Une corde de chanvre en guise de ceinture,

Poussa la porte, la tête sous le capuchon

Fit quelques pas, et nous y étions.

Je me l'étais imaginé bien autrement,

Le grand séminaire, chemin allant

Du haut de la colline, j'en avais vu le toit,

J'avais vu le clocher tel un beffroi,

J'avais même vu des mâchicoulis,

Des soldats, des armures, et tout ce qui s'ensuit.

J'avais cru voir en rang serré, une garnison,

Des chevaliers cathares dans l'horizon.

Mais rien en château de Carcassonne,

Et voilà. Juste une cloche qui sonne.

À l'intérieur, la lumière traversait la colonnade,

Éclairant le chemin et les bancs en enfilade,

Sous la voûte de pierres régnait le silence,

Peu à peu, venait à moi comme une évidence,

J'entrais en chrétienté dans l'antre monacal,

J'entrais en chrétienté pour le bien sans le mal.

Je le suivais sans mot dire, humant les senteurs

Au centre un petit jardin, ses bacs et ses fleurs,

Là même où j'allais passer bon nombre d'heures,

À penser, à prier pour des hommes qui pleurent.
886 
Allongé sur ma couche, je regardais,

Les volutes légères qui voltigeaient,

Mêlées aux toiles du plafond,

Ces souvenirs d'enfance qui vous font,

Le cœur serré quand on y songe,

Le cœur gonflé comme une éponge,

De ces larmes joyeuses qui sont autant,

De perles de pluie dans le printemps.

De mes pensées je remplissais le vide,

Dans la bouche un goût, un goût acide,

Celui de la tristesse coulant sa sève,

Dernier élan du dernier rêve.

Je regardais la neige tomber en flocons,

Poussée par le vent d'une morne saison,

Là, sur le paysage aux arbres morts

Je me souvenais et ne souvenais encore.

Je revoyais ma mère et son tablier,

Le vieux fourneau, des œufs, le sablier,

Un parfum de menthe, une peau d'orange,

Je revoyais Bénédicte, et vola un ange.

Il traversa la pièce, une ombre sur le mur

Me montra du doigt le morceau de pain dur,

Ma sœur, elle, trempait ses poupées au lavoir,

Les plongeant dans l'eau croupie sans savoir,

D'ailleurs, comment pouvait-elle imaginer ?

Qu'une poupée ne pouvait pas nager.

Et l'ange, toujours, tournoyait au plafond,

Me montrant, dépité, ce pauvre croûton,

Qui se traînait, sur le sol, près de mes mules,

Le manger ? L'avaler ? Ridicule.

Alors je le pris et le mis dans le tiroir,

Juste, là, caché pour ne plus le voir.

L'ange souriait, mais ne disait rien,

Se contentant d'un geste de la main.

Ma sœur, elle, riait d'un rire de folle,

Les yeux rouges, les cheveux qui collent,

Jetant en l'air ses poupées sans bras,

Elle se roulait à terre comme un cobra

Du haut de la colline, ma mère nous appelait,

En enroulant son châle, s'époumonait,

L'ange battait des ailes en pleine nuit,

Et les miettes de pain près de mon lit.

Allongé sur la couche, mon corps était froid,
930 
Je voyais des châteaux, une armée, un beffroi,

Je sentais monter la grande bataille,

De partout venaient les hommes épouvantails.

Des chevaliers, sans armures, rampaient sur le sol,

Les chevaux les suivaient, une araignée dans mon bol

L'ange souriait dans le coin du mur,

L'air était âcre, l'ange était pur.

Je ne dormais pas, je flottais d'extase,

Comme un oiseau voyageur quitte sa base,

Je m'engouffrais peu à peu dans les songes,

Les yeux demi-clos, mon cœur en éponge

Me revenaient à la mémoire, les jours d'ennui,

Les jours de joie, mes jours repris

Les jours aux douces promenades,

Où soufflait le vent, le chant d'une ballade.

Me revenaient, allongé sur cette couche humide,

Les moments gracieux des étoiles dans le vide,

Les nuits caressantes de l'enfance douce,

Sur le chemin désirable, les herbes, la mousse.

Et l'ange riait, maintenant, au fond de la pièce,

Muet, comme par habitude, de tendresse,

Car rien, ici-bas, ne fait parler les anges,

D'ailleurs, même ses ailes étaient étranges.

Je ne sais toujours pas s'il était véritable,

S'il était bien là, s'il était saisissable.

En fait, qu'importe, qu'il existe ou pas

Un ange passe et puis s'en va.

La nuit traîna ses longues heures,

Sur cette peau où les ombres effleurent,

Parfois, l'orage envahissait d'éclairs,

Mon cœur, mon âme, dans les enfers

Il me montrait ses nuages de brume noire,

Il tonnait jusqu'au-dessus de l'armoire,

S'effondrant sur le dossier de la chaise,

Levant la fièvre dans mon crâne de braise.

À d'autres instants, le ciel était bleu,

Le vent, sous ma porte, entrait savoureux,

Soufflait ici et là, sur le parquet verni,

Amenant le bonheur, et l'amour avec lui,

J'ai même entendu le bruit d'une branche,

Craquant sous mon pied, un jour de dimanche.

J'ai entendu ma mère dans un pot de confiture,

Mais c'était un rêve, une petite blessure

Le regret, sans doute, d'avoir tout quitté,

Un matin d'hiver, de l'avoir laissée,

Cette mère qui me donnait sans compter,

Ses sourires, sa quiétude, sa bonté,

Que je l'aime cette mère au souffle chaud,

Chantonnant le bonheur comme un oiseau,

De l'aube de ma vie jusqu'à mon dernier pas

Je sentirai son tendre parfum lilas.

Je verrai, toujours, sur son épaule rosée

Ce châle de laine beige et velouté.

Aller dans le jardin, glisser dans les allées,

Je la verrai aussi ramasser les brindilles brisées

De celles qui entourent les rosiers blancs,

La vigne sauvage, je la verrai dans le vent.

Et la nuit passa remplie de vagues trompeuses,

Une nuit sombre et fort mystérieuse,

Je somnolai dans des vapeurs de brume,

Attendant dans le noir que le jour s'allume.

L'aube mouvante traversait les vitraux,

Éclairant les tomettes, rasant le sol,

Une table colossale, des bancs, un fourneau,

Et vingt à trente âmes face à leur bol.

Le silence était de mise durant la prière,

Nous étions là, l'un près de l'autre, assis

Attendant, le plein clair, la pleine lumière,

Pour que le monastère reprenne sa vie.

1000...A SUIVRE

 

22 février 2020

Poème sans fin de 501 à 750 vers

Source: Flickr

Le jardin avait belle allure et sentait bon,

Sentait la douceur de la prune, du figuier

Une terrasse et trois marches vers le perron,

De grands bacs fleuris sur le palier

C'est ainsi qu'elle vous accueillait chaque jour,

Dans les parfums suaves de la nature,

Offrant à vos yeux les couleurs de l'amour,

La maison de mon enfance si pure.

Installé sur le seuil, le gardien des lieux

Une sorte de griffon aux yeux de chat,

Un chien ordinaire et fort paresseux,

Tant et tant paresseux qu'il n'aboyait pas.

À peine un râle quand venait sa pitance,

Je crois qu'il bougeait la queue par instinct,

Passant le plus clair de son temps en somnolence,

Couché sur sa paillasse, il dormait sans fin.

Une fois enjambé le molosse grisonnant,

L'avoir enjambé, sans faire de bruit

On pouvait apercevoir dans l'entrebâillement

De la porte d'entrée le souffle de la vie.

Au sol, des pavés, jusque sur le fond,

Une pièce immense, au milieu de laquelle,

Trônait comme trône dans un donjon,

Une cheminée aux braises éternelles.

Cette cheminée était le centre de tout,

On s'asseyait à l'intérieur pour se réchauffer,

On y cuisait des poulets, des soupes, du ragoût

On y grillait, aussi, des moutons sur pieds.

Dans l'imagination de mes jeunes années,

Elle ressemblait au château du roi ratatouille

J'y voyais des mâchicoulis et des épées,

Des seigneurs à cheval sur des quenouilles.

J'y voyais des carottes habillées en soldat,

Des poireaux se plaignant dans l'eau bouillante,

Je voyais, ma mère, mener le combat,

Et des navets mourir de mort lente.

La jeunesse a bien des démences, des délires

Et les miens fort haut-dessus de tout,

Pour moi le jardin n'était qu'un empire,

Et la maison, le donjon d'un seigneur fou.

Je vous entends déjà me dire, mes amis,

Mais où va-t-il ? De quoi nous parle-t-il ?

Alors que vous étiez à quelques phrases d'ici,

Dans ce doux jardin, serein et tranquille.

Je sais que pour vous, le chien dort toujours

Que les roses s'éveillent aux lueurs du matin,

Que les bois, le bassin s'arrosent du jour,

Le buffet de la nature ouvert au festin.

La maison puisque l'on parle d'elle,

Avait sous un toit de chaume des murs blancs,

De petites fenêtres, des rideaux en dentelle

De petits carreaux tout simplement.

Elle avait, à sa manière, ses guirlandes,

Remontant au chambranle de la porte d'entrée,

De ces lierres envahissants et qui se pendent,

En arrivant sur le haut de la façade ombragée.

À l'intérieur une pièce principale pour accueillir,

Une table rustique et ses chaises de paille,

Un vaisselier où s'alignaient les souvenirs,

Limoges, les porcelaines, une photo de Versailles.

Il y avait, aussi, ce parfum qui vous prenait,

À l'instant même où vous entriez dans les lieux,

Un parfum délicat, léger, qui s'envolait,

Une odeur de lavande, le parfum des Dieux.

Quand Adrienne, ma mère, faisait ses confitures,

Les vapeurs de fraises, d'oranges s'y mêlaient,

Gagnant, pour un temps, toute la masure,

Me montant aux narines elles m'enivraient.

Et tout cela dans de jolis pots en verre,

Qu'elle recouvrait d'une rondelle de cire blanche,

Ma sœur, elle, les alignait sur les étagères,

Toujours le matin, toujours un dimanche.

Des confitures elle en faisait plus que des tonnes,

Pour nous, pour elle, pour les voisins, pour les passants,

Quand j'y pense aujourd'hui, je la soupçonne

D'en avoir fait, aussi, pour le curé de temps en temps

Pour compenser, sans doute, nos absences à la messe,

Chose inconcevable dans ces petits villages

Où le labeur fini il était bon d'aller à confesse

Quel que soit le jour, quel que soit son âge.

Au fond nous étions un peu athées, je crois

Juste un peu pour ne pas avoir d'obligation,

Nous avions notre propre sens de la foi,

Plus faite d'amour que de compassion.

Le soir à la table on ne priait pas avant de souper,

Mon père passait bien le couteau sous le pain,

Peut-être pour voir s'il était affûté,

Où simplement par habitude, par instinct.

Mon père était peu bavard, l'opposé de maman

Il prenait sa place, sortait son opinel

Et nous regardait un à un en souriant,

Considérant qu'il était là, l'essentiel.
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Dans cette classe de blouses noires,

Au grand tableau et aux murs salis,

Je n'inventais de drôles d'histoires,

En regardant le vent pousser la pluie,

Des chevaliers au milieu de la cour,

Frappant le pavé sur leur monture hennissante,
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Frappant une à une de leur glaive lourd,

La tête des pauvres à la voix gémissante.

Je voyais des miséreux à genoux,

Alors que mes camarades ne voyaient rien,

Devant mes yeux la douleur était partout,

Un cauchemar dans mon chagrin.

Ainsi que je passais des jours entiers

Assis au pupitre de l'école publique,

À imaginer sans fin des armées de cavaliers,

Une horde de malins aux yeux lubriques.

Parfois, tapant de sa règle d'acier sur le bureau,

Monsieur Vermois me rappelait les convenances,

- Donatien ! Où êtes-vous ? Encore, là-haut ? -

- Écoutez, étudiez et cessez cette nonchalance -

Mes camarades riaient à plaisir,

Plaisir d'enfants à l'esprit moqueur,

Quand il m'envoyait au fond pour me punir,

Que je baissais le nez, gardant mes pleurs.

Les journées étaient longues entre les murs,

Alors que je ne songeais qu'à gambader

Qu'à courir par les collines où l'air est pur,

Alors que je ne pensais qu'à m'évader.

Le jeudi, avec Bénédicte, le goûter à la main,

Elle, avec sa poupée et moi, mon sac de billes,

Nous montions sous l'ombrage du chemin,

Menant nos enquêtes à la Rouletabille,

Là, un trou, en contrebas, dans le fossé,

Celui d'un lapin, peut-être, d'une vipère,

D'un rat des champs, ou alors qui sait ?

Un trou noir, le gouffre aux mystères.

Plus loin, parmi les ronces, de vieilles pierres

Les restes d'une maison effondrée,

Effondrée sous les bombes de guerre,

La grande ou la dernière, le passé.

Nous allions, ainsi, quel que fût le temps,

Été comme hiver, sans voir personne,

Cueillir des fraises des bois au printemps,

Où ramasser des châtaignes à l'automne.

Nous étions libres de rêver et de crier,

Par les coteaux, jetant des cailloux,

Moi, et mes billes, elle, et sa poupée,

Cherchant d'autres pierres ou d'autres trous.

Nous avions la joie de l'insouciance,

Le désir impérieux de découvrir,

Le jeudi, c'était jour de vacances,

Le jour magique de tous les plaisirs.

La confiture coulait entre nos doigts,

Que nous léchions, ensuite, avec bonheur

Elle collait même au bout de bois,

Aux feuilles mortes, aux tiges des fleurs.

Je me souviens, que ma petite sœur,

Qui avait alors tout juste six ans,

Parfois, gesticulait et hurlait de peur,

Quand une araignée montrait ses dents.

Je me souviens, du renard sur le sentier

De ses yeux noirs, de son poil roux

J'ai, en mémoire, l'odeur de l'églantier,

Je me souviens de presque tout.

Je me souviens, je me souviens

De ces journées magnifiques,

Quand nous allions dès le matin,

Ma sœur et moi dans des lieux magiques.

De cette clairière aux herbes folles,

Où nous nous posions pour écouter,

Le vent dans les branches, l'oiseau qui vole

Tout en mangeant notre goûter.

On entendait la charrue du père,

Passer, au loin, sur le chemin,

Que n'accompagnait jamais ma mère,

Que n'accompagnait jamais quelqu'un.

Mon père et sa veste de soldat,

Grise comme un ciel sans lumière,

Mon père, ses médailles, ici et là

Car, le Jojo, lui, il avait fait la guerre,

Enfin, la guerre, à sa façon,

Menant son combat dans les arrières,

Menant sa guerre dans les buissons.

Mon père avait fait sa propre guerre.

C'est, en cela, qu'il était respectable,

Ce père, qui nous parlait si peu.

Il était paysan, mais on l'eut cru notable,

Ce père ne parlant qu'avec les yeux.

C'est au jardin que je le voyais le plus,

Dès cinq heures du soir jusqu'à la nuit,

Passant et repassant le potager en revue,

C'est avec les mains qu'il avait tout appris.

Ce père qui roulait ses cigarettes,

En sifflant le chant des partisans,

Ce père, un béret noir sur la tête

Et qui boitait tout en marchant.

Me revient, aussi, de ce passé,

De ces beaux jours de mon enfance,

Ma douce mère pour m'embrasser,

Ma douce mère à qui je pense.
694 
Puis il y eut ce matin froid, glaçant jusqu'aux os

Figeant les visages, martyrisant la peau.

Un matin fait de neige tombée d'on ne sait où,

Un matin piquant comme la pointe d'un clou,

Il est arrivé sans crier gare venant d'une sale nuit,

Il est arrivé l'air de rien sur nos petites vies,

Il est arrivé sans crier gare venant d'une sale nuit,

Il est arrivé l'air de rien sur nos petites vies,

Un foutu matin que je ne souhaite à personne,

Un matin dans un bruit de cloche qui sonne,

Il est arrivé telle une ombre traînarde,

Venant du chemin chez nous par mégarde,

Certes il ne voulait pas nous faire de mal,

Il souhaitait simplement descendre le val,

Glisser de la colline en toute discrétion,

Allumer joyeux l'espace à nos visions.

Mais il est tombé, venu, dans un mauvais jour

Il est tombé sur la maison sur les labours.

C'était un matin de l'hiver 1952,

Un 24 d'un mois de décembre brumeux,

La nature avait pris sa position de dormeuse,

Les sillons étaient durs et la terre caillouteuse,

Partout le même silence s'en allait gambader,

À travers les futaies aux arbres défeuillés,

C'était un matin, un matin qui dérange

Où l'on ne sent plus la chaleur des anges,

Je sais après tout, qu'il eut été différent,

Ce jour où je vis ma famille pleurant,

Si j'avais décidé d'être un bon petit,

De reprendre la ferme et tout ce qui s'en suit,

Mais que voulez-vous, on dit que c'est le destin

Que les plus belles choses meurent à la fin,

On dit aussi "a chacun son existence"

On dit aussi « à chacun sa chance ».

C'est ainsi qu'en ce jour de douleur,

J'abandonnais, mes parents et ma sœur,

Laissant derrière moi, mes années de jeunesse,

Mes courses dans les champs, mon allégresse,

Et tout cela par pur amour de l'humanité,

J'allais faire mes vœux, mes vœux de chasteté.

On m'attendait, là-bas, au grand séminaire,

Ô pas une foule, juste Dieu, le Saint-Père.

Et, oui, vous l'avez fort bien compris,

J'allais chercher un bout du paradis,

Pour le prendre dans mes mains de seize ans,

Et l'apporter à ces hommes que l'on dit mendiants,

À ces âmes si pauvres qu'elles survivent à peine,

Que même le sang ne coule plus dans leurs veines,

J'allais en ce matin sur le sentier de ma vie,

Avec pour tout bagage un cœur qui sourit.

Tournant le dos à mon enfance dorée,

Là-bas, au séminaire, pour devenir curé.

Imaginez, un instant, l'horreur pour mon père,

Son fils unique comme une terre en jachère,

Allant vers la ville puante où le rat court,

Cette ville qui n'a même pas de basse-cour,
750

...A SUIVRE

AK TDR

21 février 2020

Poème sans fin de 251 à 500 vers

Source: Flickr

J'aime ces vallées, sans âme qui vive.

Ces belles vallées que berce l'eau vive

Les ruisseaux à l'ombre des sapins

Qui se roulent dans le petit matin

J'aime sentir le parfum, l'élégance

Des fleurs qui s'ouvrent et qui dansent

Aux aurores les corolles à peine ouvertes

Sous l'astre des cieux d'une nuit inerte

J'aime la chevelure des feuillages penchés

Sur ces lieux de jouvence, mon coeur épanché

Ces endroits lancinants habillés de lumière

Le bruit d'un ruisseau, l'odeur de la terre

J'aime regarder la montagne encore vierge

Et imaginer en son sein les oiseaux qu'elle héberge

J'aime à vagabonder à la tiédeur matinale

Parmi les herbes folles et les fougères qui s'étalent

Respirer la pureté de l'air inlassablement

Marcher sans but pour me sentir vivant

J'aime ces moments de songes infinis

Oubliant, un peu, ma détresse, mon ennui.

Me reviennent pourtant, au fil de ces promenades

En image la décrespitude mortuaire des façades

Posées le long des avenues aux pavés glissants

Dans ces villes glauques au souffle gémissant

Là où les arbres se nourrissent de goudron

Dans des grillages d'acier comme en prison

Dans ces villes angoissées, aux poumons brûlés

Par cette pollution nauséeuse sournoise et trop avalées

Tant je reconnais le simple comme essentiel

Je ne comprends pas que l'on puisse gratter le ciel

Que l'on se permettre d'outrager la nature

Aux immeubles crasseux je préfère ma masure.

Je me perds peut-être dans mes utopies

A vouloir ce monde de lumière ébloui

Mais quoi de mieux pour vivre vraiment

Que d'admirer un paysage renaître au printemps

Que de suivre des yeux les hirondelles en voltige

Et de frôler une fleur au bout de sa tige

Alors que, là-bas, sur l'asphalte fétide

Ne vont que des rats rampants et putrides

Que des chats aux allures de petits diables

Des hommes, des femmes mal aimables

Je sais ce que vous pensez, quand je dis cela

Que je ne suis rien d'autre qu'un scélérat

Que je fais parti de ces mécréants obtus

Qui ne cuisent pas la viande et la mangent crue

Et bien, pour vous conforter, vous avez raison

Je n'aime me délecter que de vrais champignons

Et non de ceux qui grandissent dans les villes

En Poussant les nuages pour les rendre dociles

300
Ne voyez-vous pas, au coin de votre rue

La contenu des poubelles sur le sol épandue

Comme des vomissures d'un monde perdu

Dans les noirceurs, les ténèbres, le corps fendu

Il serait pourtant honnête de ma part d'admettre

Qu'il est dans Paris des images moins piètres

Que des quartiers harmonieux existent

Des villages de rêves où sont des artistes

Je prends, Montmartre, pour exemple évident

La beau sacré-coeur et ses petits dômes blancs

En haut de ces marches que les herbes côtoient

Qui nous donne le sentiment, d'avoir la foi

Souvent je suis monté par le funiculaire

Pour voir de là-haut la ville entière

Pour regarder les voyageurs asiatiques

Bardés d'appareils photographiques

Les entendre parler, en riant, le mandarin

Cette langue semblable au vent des embruns

Souvent j'ai marché dans ces rues exotiques

Remontant les pavés dans des rêves antiques

Non ceux de la Grèce ou de l'Égypte ancienne

De Rome ou de cette Babylone mésopotamienne

Juste à entrevoir sous la lueur des lampions

Dans une calèche le grand Champollion.

Où plus loin au bateau-lavoir, un Picasso

Et ses demoiselles d'Avignon sous le pinceau

J'ai toujours eu l'impression sur la petite place

Que tout s'arrêtait le temps que je passe

Que les Toulouse-Lautrec, Corot et autre Vernet

Rebouchaient leurs tubes quand j'y venais

Que leurs mains de génie lècheuses
de toiles

Montaient vers le ciel pour toucher les étoiles

J'ai dans le sang, l'humeur vagabonde

Et vois la terre plus plate que ronde

Voyez ce que l'imagination à d'étrangetés

Elle confond parfois rêve et réalité

Mêlant l'hier, l'aujourd'hui et le demain

En un seul, unique, impensable dessin

Elle envahit les cerveaux déraisonnables

Faisant jaillir des roses sur les branches d'érable

Elle fouille dans la caverne des songes

Et l'éphémère, par plaisir, elle l'allonge

Il n'y a pas d'ombre sans lumière dit-on

Pas de butte Montmartre sans accordéon

Où serait-ce le son suave d'un violon

Car le chat noir, ne peut-être qu'une chanson

Je me souviens de ce jour où j'ai croisé

Près du moulin rouge cette fille élancée

Aux yeux que les vagues claires jalouses

Aussi fraîche que la rosée des
pelouses

Ces bottines telle une horloge sonnaient

A chaque pas léger gracieux qu'elle faisait

J'étais redevenu enfant devant des friandises

Mais amant déchu quand s'éloigna la gourmandise

J'ai tenté de la suivre discrètement, distant

Et elle disparue au coin du chemin Guersant

En laissant dans l'air un instant les fragrances

D'un patchouli entêtant qui enivrait tous mes sens

J'avais espéré une seconde seulement

Qu'elle se retourne sur moi simplement

Que je puisse entrevoir son visage

Juste pour me souvenir de son image

Pardonnez les égarements de mon âme rêveuse

De là où je suis assis sur ma chauffeuse

Malgré une cheminée que les cendres rougeoient

Emmitouflé dans mon plaid j'ai froid

Jusque là toutes mes lignes me semblent bien fades

Pas l'ombre véritable d'une belle escapade

Pas un souffle, une étincelle de poésie

Que des propos sans emphase qui m'ennuient

Je me demande s'il est utile de continuer

Tant mes écrits paraissent désuets

Mais il faut que j'insiste pour sûr

A présent que je suis face à ce mur

Le jour viendra j'en suis convaincu

Où tout ce que vous dit sera reconnu

Alors que je ne serai plus sur cette basse terre

Car tout poète ne devient grand qu'au cimetière

L'important, malgré tout, n'est-il pas ?

La délicatesse, le parfum du réséda

Qu'un ruisseau traverse une vallée d'ivresse

Au flan de cette montagne qu'il caresse

Je perçois le frétillement de mes souvenirs perdus

Venir frapper de son glaive pointu

Ce doute malicieux qui me morfond

Sous les toiles d'araignées du plafond

Je sens tout le salon et son parquet qui bougent

Le jaune pâle des flammes devient rouge

Les bougies crachent leur souffle noir

Une porte claque au bout du couloir

La nuit va-t-elle me retenir dans ses bras?

Sournoise qu'elle est, nourisseuse de rats

Vais-je tomber dans les tourments et la torture ?

Sur les murs traînent, déjà, les traces de moisissures

J'ai beau me révolter, une araignée passe

Le jour s'éloigne d'un coup franc, s'efface

Je regrette soudain de pas être ailleurs

Que dans cette obscurité qui frappe mon coeur

Ce silence lourd me terrifie, m'alarme

Sur ma joue coulent, une à une, les larmes
400

Et me voilà enclin à l'érosion de mes sens

Mon corps dans les flétrissures est en transe

Je n'aime guère faire aller le tisonnier dans les cendres

La peur intestine que le diable vienne le prendre

L'hivers et ses arbres gelés entrent par la porte

La fenêtre est ouverte et l'angoisse m'emporte

Je me raccroche comme je peux aux jours passés

Tant je crains que demain ils soient effacés

Que la brume matinale les cache à mes yeux

Je crains que demain je devienne trop vieux

Pour espérer encore voir les plumes soyeuses

Voler aux vents de cette nature si précieuse

J'aimerais, si vous me le permettez, prendre le temps

De vous racontez ma vie, ma jeunesse d'avant

Quand le soleil à l'aube se rallumait

Quand l'herbe et la mousse s'aimaient

Car jadis les clairières regorgeaient de bonté

De joie, de sagesse, de douceur, de volupté

J'aimerais, mais serait-ce trop demander

A vous, qui, de la pénombre descendez

Vous savoir écouter la voix magistrale

Monter à l'horizon son opéra matinales

Pour tout dire de cette époque révolue

Où sur les sentiers allaient chevaux et charrues

Que les cantonniers saluaient d'un geste furtif

Dans cette campagne radieuse d'où je suis natif

Je vous montrerai pousser en abondance

Le blé encore sauvage dans des champs immenses

Je vous parlerai à l'oreille de cette campagne

Qui, jours et nuits durant, vous accompagne

De ma jeunesse qui fit en ces temps ce que je suis

De tout ce que j'aime et ce que je fuis

La demeure avait, la couleur et les charmes d'antan,

On y venait à pied, au bout d'un long chemin

Parsemé, çà et là, de quelques rosiers grimpants

Sur deux murs en pierre qui menaient au jardin.

Après avoir passé le grand portail de chêne,

On apercevait, derrière les arbres, la terrasse,

Sur la gauche un petit puits, un saut à la chaîne,

À droite, un potager, des salades et des limaces,

Quand on s'avançait, plus encore, on pouvait voir,

Une bicyclette posée sur le dos d'un banc,

Une vieille charrue non loin du lavoir,

Alors que tout semblait figé, tout était vivant.

Cette demeure, qu'habitèrent mes aïeuls

Pendant nombre d'années, jusqu'à mes parents

Avait rendu un petit monde, infiniment heureux,

Des hommes, des femmes, et leurs enfants.

Plus d'une fois, je suis venu me promener,

Moi, qui suis parti pour la grande ville
450
Et combien de fois ? En ces lieux, j'ai retrouvé,

Mon âme enfantine, ma belle âme tranquille.

Je me suis promené, parmi les herbes folles

Fît le tour du bassin où les nénuphars,

Voguaient doucement comme des êtres frivoles,

Sur les eaux langoureuses au-dessus des têtards.

J'ai, souvent, rêvé de gloire et de fortune,

Mais mes parents n'étaient que paysans,

Et s'ils avaient su me décrocher la lune,

Je ne les aurais pas moins aimés pour autant.

Ils n'allaient guère à la messe, je l'ai vu,

Pour sûr ils se rendaient à confesse,

Une fois par an, pas beaucoup plus,

Juste pour Noël comme à la kermesse.

Ne pensez pas qu'ils ne croyaient pas en Dieu

Pour preuve, ils suivaient tous les enterrements,

Ils suivaient, avec les voisins, les larmes aux yeux

On aurait dit des pèlerins ou des pénitents.

Mais ce dont ils s'occupaient avec délice,

Quand ils avaient du temps, un peu, le soir,

C'était, quand le ciel était propice

Alors que sur le banc j'allais m'asseoir,

Le petit jardin aux mille et une saisons,

Le printemps, le printemps et encore le printemps,

Car tous les hivers, on les passait au tison,

Et au jardin, c'était au joyeux printemps

Il y avait là, des pies pour manger les fraises,

De grandes fleurs, que l'on m'a dit être des lys

Un tas de bûches en attente de braise,

Et des pommiers, il y en avait plus de dix.

À la naissance de Bénédicte, ma sœur

À mi-chemin entre la maison et le portail,

On avait planté tout à son honneur,

Une multitude de pieds de roses en éventail.

Cela paraissait bizarre à ceux qui venaient là,

Drôle de manière que de les mettre ainsi,

On avait beau dire. C'était comme ça.

On avait beau faire. C'était comme si.

Nul ne pouvait discuter l'œuvre de mon père,

Il avait sa raison pour la chose faite,

En parler faisait monter sa colère,

Valait mieux le laisser à sa brouette.

Le jardin avait ses deux mille mètres,

Cerclé d'une immense haie de ronces pointues

Derrière trônait une forêt de chênes et de hêtres,

Tout cela, peut-être, pour ne pas être vu.

Alors, qu'aujourd'hui, il est bon de se montrer,

En ce temps-là, il en était tout autrement,

Le soir on fermait portes et volets,

On ne sortait pas, on restait dedans.

500...A SUIVRE

 

AK TDR

17 février 2020

Poème sans fin de 1 à 250 vers

Source: Flickr

Serait-il un sens caché à mes propos?

Une idée étrange derrière tous ces mots

Je vous rassure d'avance sur l'intention

Il ne s'agit, ici, que d'une abstraction

Il n'est pas non plus de philosophie

Du changement du cours de notre vie

D'une ère nouvelle ou d'un délire

Ce qui m'importe est de vous écrire.

L'art d'écrire est un art de vivre

Un art solitaire qui vous enivre

Prenant vos journée vos nuits entières

A chercher dans l'ombre la lumière

Car l'écriture souvent douloureuse

Délicate et parfois même ennuyeuse

Trouve véritablement tout son sens

En s'inspirant d'une odeur, d'une essence.

L'imagination débridée de l'auteur

Au bout de ce lent et merveilleux labeur

Vous délivrera au travers de ses pages

Une histoire forgée à votre image.

Souvent je traîne, je ne sais pourquoi

Ombre parmi les ombres dans le froid

Nourrissant mon âme indolente

De l'infinie lenteur de l'attente

J'ai cette impression fort pénible

Si dévoreuse et si terrible

Que le monde entier me surveille

Dès le matin quand il s'éveille

C'est à cette aube que je redoute

Faiseuse de larmes et de doutes

Troublant la moindre bribe de bonheur

Que sur mes joues glissent les pleurs

Car le monde a cette indécence

De s'immiscer dans nos silences

Rendant ainsi bien maladives

Vos idées joyeuses d'eau vive.

Alors je veux, je dirais, je m'autorise

Avant que le jour glauque vous enlise

A ouvrir ce coffret empli de beautés

Chargé du souffle des voluptés

Juste en quelques phrases dérisoires

Pour une poésie, somme toute, illusoire.

L'eau vive, source première de méditation

Draine avec elle comme des alluvions

Les pensées éphémères, langoureuses

Du rêveur à l'existence désireuse

Dans les flots continus qui s'ecoulent

Sous les arbres où le lierre s'enroule

La rive qu'envahissent les vertes mousses

Laisse à peine voir les jonquilles qui poussent

50

Là sous le beau chêne centenaire

Sous le saule brûlant de lumière

Sous les feuilles bourgeonnantes du printemps

Valse et tourbillone des restes de vent.

Un homme passe sur le chemin de terre

Soulevant de son pas un peu de poussière.

Je le reconnais, celui-ci couvert de haillons

Des promeneurs misérables il est le fanion

Faisant aller leurs carcasses déglinguées

Par les sentiers caillouteux pour divaguer

Voyez comme il hume l'air frais

Voyez comme un chant d'oiseau le distrait.

L'heure est matinale, la brume s'estompe

Le ciel bleu apparaît, les nuages se rompent

Nonchalamment il avance, les yeux éblouis

Le jour a chassé les noiceurs de la nuit

Une sensation sauvage le gagne au corps

Celle de planer au milieu du décor

Tout est fluide infiniment léger

Il rêve, il vole un bonheur passager

Le long de la rive une nappe d'épineuses

Ronces égarées dans les tourbes boueuses

Gardent comme elles peuvent ces vaguelettes

Qui s'agitent luisantes sous le soleil qui se jette

La lassitude s'installe l'espace d'un temps

L'homme se fige enfin, se croyant important

Mais ce qu'il ne sait pas, ne voit pas

Au-delà de ce sentier, de la rivière qui bat

Est ce mystère qui entoure la nature joyeuse

Qui inonde mieux que toutes les eaux vainqueuses

Ce mystère venu ici poser quelques bagages

Juste pour magnifier ce merveilleux paysage.

Il est trop de choses convenues me direz-vous

Que les roses soient roses, certes, après tout

Et pourquoi ne seraient-elles pas ainsi?

Et pourquoi pas autrement aussi?

Il est trop de choses convenues pour le poète

Le corbeau est, dit-il, une sorte de mouette

Une barque semble une âme à la dérive

Les larmes sur ses joues sont craintives

Il n'est pas de folie dans la tête du rêveur

Que des images qui deroulent des langueurs

Éloigné, croyons-nous, du tumulte des villes

Englué, pensons-nous, dans des concepts imbéciles

Le poète n'aurait donc que l'estime de soi

Que ses propres illusions dans sa plume d'oie

Seulement il apparait en regardant de plus près

Une autre vérité entre les éthers et le concret

Un espace raisonné mais fort déraisonnable

Une façon toute personnelle de mettre la table.

100

Lui est avant tout le reflet de vous même

Le porte parole de vos besoins de bohème

Il est ce que vous ne dites pas par pudeur

Votre tristesse, vos cauchemars, vos douleurs

Votre joie, vos rêves tranquilles bercés d'allégresse

Il est la trace qui reste de votre jeunesse

Ainsi le poète nomme la nature en phrases pudiques

Faisant de tout ce qui vous entoure une chose unique

 

L'homme penseur glisse alors sur ce chemin

Vous montrant sans vergogne ce qui fait votre destin

A toutes fins utiles et pour être honnête

Je vous le dis, j'aimerais devenir poète

Non dans l'idée saugrenue de quelques glorioles

Juste pour côtoyer la lueur bleutée des lucioles

Longtemps je me suis attelé par excès de noirceurs

Aux sensations troubles belliqueuses du malheur

Considérant, à tord, que ma petite existence

N'avait qu'une solution finale, la sentence

Je croyais que l'enfer était la bonne porte de sortie

Et que la seule culture qui vaille était l'ortie

N'ayant aucune idée de ce parfum qu'ont les fleurs

Aucun sens de l'utilité évidente du bonheur

Rien ne me menant à la clairière des plénitudes

Je suis longtemps resté dans ma solitude

Puis, s'imposa après de multiples tergiversations

Le rejet violent mais salutaire de mes afflictions

Une force inconnue était venue liberer ma conscience

Annihilant au passage mes envies de déchéance

Si je tentais une image qui pourrait me décrire

Je dirais sans excès que je suis une lyre

Faisant dans les airs aller ce chant mélodieux

Cette tendre harmonie que vous offre les cieux

Je ne parle pas de foi, ni de Grèce antique

Juste des mots vous donner la musique.

Effaçant d'un trait toutes les pénombres

Pour ne laisser sur le sol que mon ombre

Vainqueur incontestable de ces jours cruels

Qui faisaient de moi une abeille sans miel.

J'ignorais jusque là les couleurs diaphanes

Cet horizon allangui sous les brises océanes

La longue chevelure des vagues graciles

Les lagunes, les coraux et le calme des îles

Je savais au fond de moi que j'y serais venu

A vibrer au rythme chatoyant des nues

Que les milles et une raisons de ne pas voir

S'évanouiraient comme les reflets de mon miroir

Que le sentiment de vivre sans lumière

S'estomperait dans une envolé de poussière.

Je savais dans les profondeurs de mon abîme

Que viendrait l'instant de gagner la cime

150

Celle qu'il convient d'appeler, ici, l'émotion.

L'émotion indéniable que vous procure la passion

Louer le sensible, le véritable, la jouissance

De tout ce qui donne à la nature sa puissance

Je dû me construire face à tant d'homme cupides

Un espace unique que l'on pense incipide

Un lieu pour m'asseoir, un bureau, une chaise

Non entre des murs, mais en haut d'une falaise.

Les écumes se posent nonchalantes sur le sable

Restes de vagues perdues d'une mer indomptable.

La détresse prend le large sur les flots tremblants

Les maux galvaudés l'accompagnent en pleurant

J'exulte de voir mes peines et mes douleurs mourir

Et doucement, je les pousse du doigt pour en finir.

Pourtant longtemps j'ai côtoyé le morbide

Me plaisant à aller en terres arides

Visiter les gouffres infernaux et le néant

Là où rien ne vaut sauf peut-être satan.

Je me suis fourvoyé par faiblesse d'esprit

Par ignorance, par facilité peut-être aussi

C'est imbécile de faire de sa vie un cauchemar

Certes, tout n'est pas aisé dans la nuit et le brouillard

Il n'est pas en ces lieux la valeur de l'homme

Mais dans la couleur, la rondeur, la saveur d'une pomme

Venez visiter si vous en avez le courage

L'immensité joyeuse que cachent les nuages

Au dessus du port mouettes et goélands

Valsent, se croisent, se parlent en volant

Voilà en quelques mots les lenteurs infinies

La magnificence extrême d'un espace beni

Qu'importe si la pluie inonde la noble terre

Qu'importe si le sentier se mêle aux tourbières

Voyez la tristesse se noyer dans ces larmes

Voyez les tourments qui déposent leurs armes

Alors que l'homme marche toujours d'un pas léger

Dans la clairière qu'aucun arbre ne vient ombrager

Voyage indolent de lueurs infinies

Que les rayons du soleil ont soumis

Le jour se prolonge et ne veut plus disparaître

Il se pose sur l'homme pour le faire renaître

Une douce mélodie caresse son corps étendu

Dans les herbes sauvages, son coeur est à nu

De loin, sur le bord de la grève, j'admire

L'être naissant, qui sur les mousses s'étire

A l'endroit même où le calme se complaît

Dans les humus, les coquelicots et les bleuets

Une barque sans bruit sur les eaux se glisse

La brise et le vent sont tombés, la mer est lisse

La tempête a perdue de sa véhémence

Le tumulte s'est enfui ne reste que le silence

200

Qui chasse les enfers piteux et lamentables

De cette terre joyeuse et formidable

Je sens, déjà, l'oppobre couvrir les ténèbres

Une chape de plomb sur le néant funèbre

La rédemption est impossible aux noirceurs

Seule ne peut-être louer que la blancheur

J'en appelle en ces instants de quiétude

Aux hommes vivants dans les altitudes

A accompagner de leur force d'aimer

La nature et les graines que vai y semer

Il serait prétentieux de ma part, je sais

De vouloir reconstruire un monde défait

Mais j'ose espérer du fond de moi-même

Le changer juste un peu quand même

Souvent, une petite voix intérieure me nuit

Pourfendeuse, chasseuse de mes propres envies

De ce désir impérieux, ô combien, viscéral

De jeter dans les limbes la source du mal

A l'evidence tout cela est bien suspicieux

Inconfortable pour celui qui aime les feux

Ces feux démoniaques qui outragent nos âmes

Qui brûlent nos coeurs de leurs flammes

N'allez pas croire qu'il est de la normalité

De subir ce que la mélancolie a de malignités

Voyez donc, ici, le sens même du propos

Est-ce concevable que la vie n'ait point de repos?

Devons-nous, nous soumettre à la torture?

Faire que chaque jour soit une nouvelle blessure

Pardonnez-moi, je vous prie, ce moment d'égarement

Mais il faut que les choses soient claires sur l'instant

Je ne viens pas pour vous asséner la morfondeur

Bien qu'il est plus de mots à la tristesse qu'au bonheur

J'écris, ici, afin de rendre moins austère

Moins lugubre ce monde transi sans repère

Pour trouver quelques bribes de vérité

Et à travers la pénombre, la sérénité

En bateau libre je largue, ce jour, les amarres

Pour m'éloigner de toutes les côtes, de tous les phares

Je vais à la découverte de incommensurable

A la recherche dans les mots de l'ineffable

Une gageure de plus dans mon besoin d'abstractions

Une envie de voguer, de voler, par passion

Au-dessus de moi les mouettes criardes s'élèvent

Le ciel ouvre ses mains laissant tomber les rêves

J'écoute le frissonement des ailes blanches

Fendre l'air sous les rayons de soleil qui penchent

De loin en loin l'horizon survole les eaux lascives

La brume lactée ondule fragile, pensive

Ma voile se tend l'embarcation s'élance

Le vent m'entraîne vers les nonchalances

250...à suivre

AK TDR

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Poème sans fin d'Allan Kartner
  • Chers lectrices et lecteurs. Après 40 ans d'écriture, poésie, nouvelles... J'ai constaté que tous mes poèmes , au bout du compte, ne faisaient qu'un. Donc, je n'écrirais, ici, qu'un seul et unique poème et SANS FIN. Il se terminera à ma fin. Bonne lect
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